Béatrice TEILHET

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Depuis plus de dix ans, Tatis pratique la peinture et la gravure monotype avec toujours la même grâce et une incessante quête d\'harmonie entre l\'énergie du corps et celle de l\'esprit.

Ses œuvres actuelles résultent de techniques mixtes bien maîtrisées, et offrent un travail d\'un grand raffinement. Les collages de papiers japonais, retravaillés à la tempera sur la toile brute, jouent des brillances, des transparences et de la lumière. Ainsi se donne à voir le processus même du travail, le papier de soie déchiré, les couches de glacis, les empreintes, les traits délaissés et recouverts : « Construire, détruire, reconstruire », explique l\'artiste « est pour moi une obscure nécessité, pour que seul l\'essentiel subsiste ». Après une période où le noir et une certaine monochromie prédominaient, Tatis s\'est ouverte peu à peu à la couleur, sans préjugé. Depuis, ses bleus se parent de nuances de perle, ses rouges s\'empourprent, et ses jaunes se font or.

L\'œuvre récente de Tatis semble traversée des ombres des plus grands. Il y a quelque chose de caravagesque dans l\'expressivité, précise et tendue, des mains, de la position des corps émergeant de l\'ombre, donnant chair et force dramatique à la composition du tableau. Ici, des motifs empruntés à Klimt, des détails à l\'opulence baroque, ailleurs, des œuvres comme peintes à fresque et effacées par le temps ? Nous voici entre Sécession viennoise et Pompéi, Rubens et le Naples à fleur de peau, entre mythe et modernité, d\'Ernest Pignon-Ernest. Tatis joue avec nos rêves, nos souvenirs d\'amateur d\'art, nos petits musées personnels.

Et puis, à l\'instar d\'une vénus botticellienne, la nudité des corps peints par Tatis ne s\'offre pas seulement comme nudité voluptueuse, désirable, impudique. Transcendés par le mouvement, par la grâce du geste, ces corps se parent d\'une aura de pureté. Car si la silhouette constitue, depuis toujours, un élément récurrent de l\'inspiration de l\'artiste, le corps pris dans le mouvement de la danse symbolise pour l\'artiste la recherche spirituelle tant d\'une maîtrise de soi que d\'une lumière, d\'une paix intérieure, une extension du domaine de l\'âme.

Si Tatis travaille « à l\'ancienne », avec dessins et croquis, modèles et techniques héritées de la Renaissance, elle sait aussi nourrir sa pratique d\'innovations précieuses et étonnantes. Ainsi, ses œuvres de papiers japonais retravaillés à la tempera non plus sur toile mais sur verre acrylique offre un travail inédit de profondeur et de transparence. Lumière et matière se fondent l\'une en l\'autre, et se dévoilent plus que jamais les « dessous » de la peinture, le travail des couches successives et avec elles, la sensualité des carnations, les pleins et les déliés des corps en action.

Au moment où se clame partout le retour à la peinture, l\'œuvre de Tatis prend le pari d\'un travail figuratif où la parabole tient lieu de récit et où les mouvements du corps sont langages.